19/11/2011

Little Story : les dessous des petits dessous vintage enfant

source : petitpond 
Nous avons découvert il y a quelques temps dans un fond de mercerie endormie depuis des décennies, un stock époustouflant de jupons, combinaisons et autres pantys pour fillettes raffinées. Ces pièces évoquent une époque, un style, un travail et une émotion qu'il est difficile de retranscrire simplement sur une photo "à plat". Nous avions envie de les mettre en lumière, de retourner sur les traces de ces vêtements d'hier dont la délicatesse n'a pas pris une ride et que les petites filles d'aujourd'hui peuvent porter à nouveau en version "Little Vintage".

Au fil de nos recherches sur l'histoire de ces pièces, c'est sur la toile que nous avons rencontré Viviane le Houëdec, une ex-styliste en mode enfantine, férue d'Histoire de la Mode. Viviane n'aime pas trop qu'on la qualifie "d'experte", elle ne prétend pas être historienne ou sociologue de la mode, elle préfère endosser modestement l'habit de "passionnée". C'est sans doute pour cela qu'il se dégage de son blog LES PETITES MAINS une analyse jamais rébarbative, toujours savamment documentée qui met en lumière au travers des époques, l'histoire passionnante et rarement abordée de la mode chez l'enfant.

Elle nous a fait l'honneur de se pencher sur notre petite collection pour une "Little Story" de la lingerie enfantine. 

Il était une fois la révolution vestimentaire du New Look...

Pour comprendre l’usage de ces petites combinaisons, improprement nommées nuisettes, il faut remonter en 1947, au New Look de Christian Dior : on sort de la guerre, le rationnement a encore cours, le couturier propose aux femmes une mode aux longues jupes juponnantes sous une taille étranglée et une poitrine rebondie. Né en 1905, Dior a une sensibilité marquée par l’historicisme, il renoue avec une conception très Second Empire de la mode, qui multiplie les toilettes selon les circonstances (tailleur, robe d’après-midi, de cocktail, de dîner, de bal...). Le corps de la femme est modelé, reconstruit par le « combiné » porté indépendamment ou intégré en « fondation » de robe. On a à nouveau recours à la corsetterie et au rembourrage de crin d’organza ou de Nylon, on superpose les jupons. Dior gomme d’un trait tous les acquis de libération du vêtement féminin des deux après-guerres. On crie au scandale, mais c’est un succès mondial qui va restaurer le prestige la Haute Couture française pour quelques décennies.
1954 Mac Call's Magazine

Fillettes sous influence

Comme celles de leurs mères, les tenues des petites filles des années 50-60 sont très sophistiquées : les jupons de tulle et les volants se superposent, elles portent pour sortir des manteaux de lainage à col de velours, des gants, des socquettes blanches, des souliers vernis et des nœuds dans les cheveux. Après la période de restrictions de la guerre, les parents visent à mieux habiller leurs enfants. Le style bourgeois s’érige en modèle. C’est ce que Bruno du Roselle, historien, délégué général de la Fédération du prêt-à-porter féminin des années 1960, nomme le « réflexe d’apparat ». Les milieux moins favorisés l’expriment par leur goût pour les tenues endimanchées. Les petites combinaisons font partie de la panoplie. Elles sont le plus souvent réalisées en Nylon, une fibre synthétique « moderne », résistante, élastique, facile à entretenir, mise sur le marché européen au début des années 1940.

1958 Combinaisons fillettes

1960 Catalogue Eaton Canada

1960 Sonia Knapp publ Vitos Lingerie

Le rôle historique de la lingerie

Car il n’est pas concevable de porter les vêtements de dessus à même la peau. Pendant des siècles, le linge est un intermédiaire entre le vêtement et le corps. Son rôle est hygiénique. 
Il protège le corps des vêtements de dessus faits dans des textiles moins confortables, et protège le vêtement lui-même des sécrétions de l’organisme. Avant le milieu du XVIIIe siècle, il a pour fonction de « nettoyer » le corps dont on ne lave que les parties visibles, visage et mains. Plus le statut social est élevé, plus souvent on change de linge. Le rôle des jupons est essentiel, la femme ne porte pas de culotte jusqu’à la fin du XIXe siècle. On dit que c’est Etienne Valton, fils du fondateur de Petit Bateau, qui invente en 1908 la petite culotte, seules les fillettes alors l’adoptent. À une époque où le moindre refroidissement peut mettre en danger les enfants, les dessous les tiennent au chaud. Cette tradition multi-séculaire du linge de corps ne s’assouplira peu à peu qu’avec les progrès d’entretien facile des tissus et la généralisation des machines à laver.
Béatrice Mallet Marinette pour Petit Bateau
1924-1926 Petit Bateau Béatrice Mallet
1937-1940 Maurice Bonnet (1907-1994) Publicité Petit Bateau att. à La Relièrographie

Ces petites combinettes de Nylon, pièces de lingerie que les fillettes portent jusqu’à la fin des années 1960, peuvent être aujourd’hui détournées en tunique pour féminiser un jean ou en robe légère de plein été. Lavées avec soin, étiquetées « lingerie de luxe », parfois brodées et ornées de dentelle de Calais et de ruban de satin, elles sont présentées à l’état neuf dans leur boîte d’origine – pas toujours impeccable, mais au graphisme charmant. En habiller aujourd’hui une petite fille revient à la placer en princesse héritière d’une longue et prestigieuse lignée patrimoniale de l’Histoire de la Mode. 
Hé oui, c’est cela, l’esprit vintage !
Viviane Le Houëdec pour Little Vintage – Tous droits réservés

Un grand merci à Viviane dont nous vous invitons à aller explorer ici la richesse de son blog. 

Aucun commentaire: